Nouvelle année, nouveau semestre, nouvelles matières ! Une m'interloqua lors de la consultation de mon emploi du temps : Langage et Performance
Pouvons-nous réellement passer un semestre à étudier la Performance Artistique et tout ce qu'elle implique ? La réponse est oui, la performance touche bien des sujets notamment les questions de "genre", oubliez immédiatement le débat de la théorie du genre puisqu'elle n'existe pas (même si certains parents d'élèves ont cru à la mauvaise blague d'un sms).
Seconde surprise, notre évaluation semestrielle se fera sur la base d'une création de performance. Pas de dossiers, ni d'examens écrits nous allons devoir créer une performance de A à Z. Premières études, les différents performeurs / performers à travers des cours théoriques, bien évidemment la citation du nom de Marina Abramovich ne se fit pas attendre. Nous retrouvons Marie Hélène Bourcier comme prof, créatrice de ce cours dans notre Université mais, qui a su faire sa place dans d'autres enceintes d'enseignement supérieur. Sociologue, militante queer, intervenante dans diverses émissions de débat notamment Ce soir (ou jamais !) sur France 3. Marie Hélène Bourcier nous présente la performance sur les thèmes du genre et de l'ethnicité, les ateliers Drag-King, les bals de Paris is Burning , Judith Butler, la masculinité, la transexualité...
"Ceci est une pute"
Nos premiers cours furent basés sur la compréhension, nous devions vraiment comprendre ce qu'était et impliquait la performance. A ne pas confondre pas avec le théâtre etc bref passons les détails techniques ça risquerai de tourner à une bulle d'ennui... Arrive enfin le moment où nous parlons de la nôtre de performance. Nous en savons un peu plus, nous devons réaliser une performance de 3mn filmée ou une en direct lors d'une journée dédiée à cette manière : ma timidité ayant pris le dessus, notre groupe choisit la première option. Nous visionnons les performances des anciens élèves où Marie-Hélène nous explique ce qu'il faut faire, ne pas faire : prenons l'exemple de celle d'un jeune homme portant une robe dans le quartier des travailleuses du sexe avec une pancarte recouvrant son visage en pleine nuit où il est inscrit "Ceci est une pute". Tout d'abord le jeune homme perd son sérieux à plusieurs reprises en fixant la caméra, les voitures passent mais, aucune réaction se fait sentir. Nous comprenons sa démarche mais finalement, vis-à-vis des femmes travaillant à quelques mètres nous sentons une gêne à la vue de la vidéo. Il ne suffit pas de mettre la robe de sa copine Solange, aller dans la rue et attendre 3mn pour réaliser une performance sur le genre, ce qui aurait pu être intéressant avec cette idée de départ avec l'utilisation de "Ceci" comme pronom démonstratif au lieu de "C'est" qui renvoie à cette idée de "femme-objet" que représente la travailleuse du sexe.
« Seul un homme baptisé reçoit validement l'ordination sacrée »
Fin février, viens le moment où nous devons sérieusement réfléchir à une performance, une première idée me vient à la vue du court-métrage Majorité Opprimée . Nous voulons nous placer à la terrasse d'un café et interpeller les hommes passants comme certains interpellent les femmes dans la rue, vous pouvez retrouver les "pépites" sur le tumblr Paye ta Shnek. Malheureusement, une anglaise décide de faire la même chose outre-manche en caméra cachée , son expérience se retrouve sur la toile et crée un réel buzz en avril, moment du dépôt des idées auprès des profs. Nous sommes donc dans l'obligation de changer de direction, nous décidons d'un sujet souvent peu abordé dans nos soirées "on discute de la société" : la question des femmes prêtres. Si une femme souhaite rentrer dans les ordres, elle ne peut que devenir bonne soeur : "« Seul un homme baptisé reçoit validement l'ordination sacrée »". Contrairement aux autres branches de la chrétienté, le catholicisme ne permet pas aux femmes de devenir prêtre donc encore moins cardinal voir Pâpe. Certains ont ordonné des femmes mais se sont faits excommunier par le vatican mais il en existe dans certains pays comme en République Tchèque ou au Liban. De plus, nous avons voulu remettre à jour le débat du "célibat" des membres de l'Église Catholique qui avait été mentionné lorsque Benoit XVI avait accepté d'accueillir des Anglicans. Par conséquent notre performance présentait une femme évêque mariant une bonne soeur à une femme.
Vendredi 2 mai, nous nous retrouvons dans un magasin de déguisement pour nous procurer une tenue de bonne soeur et d'évèque. Quelques minutes plus tard, nous voilà déguisées devant une église du quartier de Fives à Lille, les réactions ne se font pas attendre, un homme interpelle la bonne soeur "Oh elle est fraîche la nonne" (notre bonne soeur avait une fente remontant du pied jusqu'au haut de la cuisse, ceci expliquant cela...), les passants nous regardent avec un air interloqué. Nous commençons la cérémonie, tout se déroule bien sans aucun encombre. Deux jours plus tard, le montage est réalisé et nous nous retrouvons sur les bancs de l'Amphi pour notre journée "Performance", les profs vont visionner, en compagnie de la promo, toutes les performances et les juger au même moment (ça sonnait comme une Nouvelle Star de la Performance).
"Bon courage"
Les performances défilent via le projecteur, nos "collègues" de formation se sont surpassés avec le "genre" comme thème le plus souvent. La performance "Femmes à poils" montre deux jeunes filles laissant apparaître des poils sur leurs aisselles devant un "body minute", d'autres se baladent en burqas-jambes à l'air en Belgique pendant que certains cassent tous les stéréotypes associés au genre dont le plus flagrant est le fameux rose pour les filles, bleu pour les garçons. Je m'attarde quelques lignes sur celle qui m'a le plus touché portant sur le sujet des femmes battues, deux filles se maquillent laissant montrer divers hématomes sur leur visage, elles prennent le métro. Puis se retrouvent dans une firme de maquillage et demande conseil à la vendeuse "vous avez quelque chose pour cacher ces caucards? ", la vendeuse s'execute pour proposer des produits puis lance un "bon courage" plein de sens lors du passage à la caisse. Leur balade continue, elles se font interpellées par une connaissance "Mon dieu mais qu'est-il arrivé". Une performance poignante qui se termine sur une explosion d'applaudissements accompagnés de cris de félicitations. Un seul groupe a décidé de réaliser une performance en direct, deux femmes gémissant derrière un drap postérieur contre postérieur pendant qu'un homme apparait sur l'écran géant via sa webcam simulant un orgasme : pourquoi pas ?
Marie-Hélène Bourcier et Sophie Proust chargées d'évaluer arrivent sur l'estrade à la fin de cette journée, après avoir souligné les qualités et défauts des performances diffusées elles nous félicitent et nous applaudissent.
Nous ne sommes pas des performeurs mais, nous en avons réalisée une.
Un grand merci à Marie-Hélène Bourcier pour cette expérience !
A.Cusack
Commentaires
Enregistrer un commentaire