Étudiante, je décide de mettre toutes les chances de mon côté pour
essayer de construire un avenir décent. Chose difficile justement
lorsqu'on est en lettres et qu'on a rayé l'éducation nationale de ses
projets d'avenir. Des journées passées à envoyer des candidatures pour
des stages, promotion, rédaction, communication, journalisme, tout y
passe.
Un message sur ma boîte mail, un journal me répond. Quelques mails échangés, le rendez-vous est fixé. L'angoisse et l'excitation, si j'arrive à obtenir ce stage de rédacteur web, je suis presque sûre d'avoir un travail après. Ce qui sonnerait joyeusement la fin des études, la fin des jobs qui nous font penser qu'au final on pourrait presque vivre sans argent, et surtout la fin de cette question existentielle : "Qu'est ce que je ferai quand je serai grande ?"
Durant les quelques jours qui précèdent mon entretien, je vais sur leur site et imagine déjà mon prénom écrit en bas des articles, la classe. Il était précisé sur l'annonce qu'il fallait être un passionné de Paris, si on lit entre les lignes, il faut être parisien. Le vrai parisien, avec une majuscule. J'essaye de me mettre dans la peau du personnage, j'essaye de penser hype. Je ne suis pas une "vraie" parisienne, je suis une "grande parisienne", j'habite la banlieue proche, le Grand Paris quoi... Mon avantage, mon copain, un vrai parisien qui me laisse squatter son appart. Oui, il faut savoir s'entourer dans la vie.
Jour j. Je prends une triple dose de Fleurs de Bach (à tester d'ailleurs), ma volonté est regonflée à bloc et mon stress se mue en une rage de vaincre. J'essaye de m'en convaincre du moins. J'arrive en avance, me plante d'entrée, des filles cachées derrière leur bureau me regardent comme une bête de foire. Déstabilisant avant un entretien.
Au bout de quelques minutes on m'apprend que la personne qui devait me recevoir n'est pas là, absente pour cause de maladie. Heureusement qu'on est en 2012 et que les mails et téléphones portables existent... Je passe sur ce manque de considération. L'entretien se fait donc avec le directeur... Assurance zéro. La personne en face de moi est du genre pompeux, désagréable mais malgré tout sympa paradoxalement. Les escaliers à monter pour accéder au bureau qui surplombe la salle principale m'ont l'air risqués. Je pense déjà au moment où il faudra les descendre, les jambes fébriles et les talons branlants.
Mauvais départ, je n'ai pas apporté mon cv, oui mais je ne pouvais pas prévoir que je ne passerais pas l'entretien avec la bonne personne. Deuxième mauvais point qui a été un sujet de franche rigolade pour le directeur, je n'habite pas à Paris. Non, à la Défense il n'y a pas que des bureaux. Oui, on peut y vivre. Quelle marrade, comme dirait l'autre. Il m'a fortement conseillé de fuir cette contrée lointaine, pour prendre un appartement sur Paris. Je n'y avais encore jamais pensé. Je vais prendre rendez-vous avec ma banquière d'ici peu, voir si elle est d'accord.
Mon interlocuteur se met ensuite à lire mes articles devant moi... Moment de solitude, le verdict tombe. Je suis comparée à son fils, qui a apparemment des problèmes de grammaire et qui va à l'école primaire. Mon avenir journalistique est mis en ruines en quelques phrases bien balancées, en un français parfait évidemment. Je pourrai faire passer à l'acte un suicidaire, tellement mon écriture est chiante. Voilà, j'apprends que je ne suis pas "funky" et une mauvaise fausse parisienne puisque je n'ai encore jamais participé aux soirées partenaires et que je ne fréquente pas les boutiques et lieux branchés de la capitale. Quelques secondes, une révélation, je me rends compte que je passe à côté de la vraie vie, merde.
Je repars, sans tomber et sans espoir. J'ai une seconde chance, je peux lui envoyer un autre article qui conviendrait plus au style coloré, bubble-gum du magazine. Ce que j'ai fait, et je n'ai eu aucune réponse. Je pense à la reconversion.
Depuis, je prends des cours de grammaire et prépare mon emménagement chez mon copain sur Paris, histoire d'avoir un vrai statut social. En espérant que personne ne se suicidera après avoir lu cet article.
A.D
Un message sur ma boîte mail, un journal me répond. Quelques mails échangés, le rendez-vous est fixé. L'angoisse et l'excitation, si j'arrive à obtenir ce stage de rédacteur web, je suis presque sûre d'avoir un travail après. Ce qui sonnerait joyeusement la fin des études, la fin des jobs qui nous font penser qu'au final on pourrait presque vivre sans argent, et surtout la fin de cette question existentielle : "Qu'est ce que je ferai quand je serai grande ?"
Durant les quelques jours qui précèdent mon entretien, je vais sur leur site et imagine déjà mon prénom écrit en bas des articles, la classe. Il était précisé sur l'annonce qu'il fallait être un passionné de Paris, si on lit entre les lignes, il faut être parisien. Le vrai parisien, avec une majuscule. J'essaye de me mettre dans la peau du personnage, j'essaye de penser hype. Je ne suis pas une "vraie" parisienne, je suis une "grande parisienne", j'habite la banlieue proche, le Grand Paris quoi... Mon avantage, mon copain, un vrai parisien qui me laisse squatter son appart. Oui, il faut savoir s'entourer dans la vie.
Jour j. Je prends une triple dose de Fleurs de Bach (à tester d'ailleurs), ma volonté est regonflée à bloc et mon stress se mue en une rage de vaincre. J'essaye de m'en convaincre du moins. J'arrive en avance, me plante d'entrée, des filles cachées derrière leur bureau me regardent comme une bête de foire. Déstabilisant avant un entretien.
Au bout de quelques minutes on m'apprend que la personne qui devait me recevoir n'est pas là, absente pour cause de maladie. Heureusement qu'on est en 2012 et que les mails et téléphones portables existent... Je passe sur ce manque de considération. L'entretien se fait donc avec le directeur... Assurance zéro. La personne en face de moi est du genre pompeux, désagréable mais malgré tout sympa paradoxalement. Les escaliers à monter pour accéder au bureau qui surplombe la salle principale m'ont l'air risqués. Je pense déjà au moment où il faudra les descendre, les jambes fébriles et les talons branlants.
Mauvais départ, je n'ai pas apporté mon cv, oui mais je ne pouvais pas prévoir que je ne passerais pas l'entretien avec la bonne personne. Deuxième mauvais point qui a été un sujet de franche rigolade pour le directeur, je n'habite pas à Paris. Non, à la Défense il n'y a pas que des bureaux. Oui, on peut y vivre. Quelle marrade, comme dirait l'autre. Il m'a fortement conseillé de fuir cette contrée lointaine, pour prendre un appartement sur Paris. Je n'y avais encore jamais pensé. Je vais prendre rendez-vous avec ma banquière d'ici peu, voir si elle est d'accord.
Mon interlocuteur se met ensuite à lire mes articles devant moi... Moment de solitude, le verdict tombe. Je suis comparée à son fils, qui a apparemment des problèmes de grammaire et qui va à l'école primaire. Mon avenir journalistique est mis en ruines en quelques phrases bien balancées, en un français parfait évidemment. Je pourrai faire passer à l'acte un suicidaire, tellement mon écriture est chiante. Voilà, j'apprends que je ne suis pas "funky" et une mauvaise fausse parisienne puisque je n'ai encore jamais participé aux soirées partenaires et que je ne fréquente pas les boutiques et lieux branchés de la capitale. Quelques secondes, une révélation, je me rends compte que je passe à côté de la vraie vie, merde.
Je repars, sans tomber et sans espoir. J'ai une seconde chance, je peux lui envoyer un autre article qui conviendrait plus au style coloré, bubble-gum du magazine. Ce que j'ai fait, et je n'ai eu aucune réponse. Je pense à la reconversion.
Depuis, je prends des cours de grammaire et prépare mon emménagement chez mon copain sur Paris, histoire d'avoir un vrai statut social. En espérant que personne ne se suicidera après avoir lu cet article.
A.D
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