CHROMATICA : Que vaut le dernier opus de Lady Gaga ? [2/2]

Le 29 mai dernier sortait CHROMATICA, le sixième album de Lady Gaga. Un retour aux sources pop dance opéré par la chanteuse, pour le plus grand plaisir de ses fans. Monsieur-Robs décrypte pour vous le concept et vous donne son avis.



Spoiler : Je l’écoute en boucle depuis 3 jours. 

On vous l’expliquait dans la première partie de cette chronique, depuis quelques mois, la chanteuse tease l’univers résolument pop de ce nouvel opus. 

CHROMATIQUOI ? 
C’est la sortie du clip de “Stupid Love” qui a permis à Lady Gaga de révéler l’univers de l’album en février dernier. Puis l’artwork confirmait l’univers inspiré de Mad Max : on y découvre une Lady Gaga affublée d’une armure bionique, en guerrière punk et pop, harnachée à une structure métallique.  Un mood futuriste à souhait qui laissait présager un univers visuel fort (de malade, même). Elle révèle alors le nom de cette expérience musicale : CHROMATICA, qu’elle présente comme une planète qu’elle s’est imaginée pour remplacer la terre - un espace neutre de conflits et guérisseur de ses traumatismes. 
Lors d’une interview avec Zane Lowe pour Apple Music, Lady Gaga raconte le pouvoir de guérison qu’a eu la création de l’opus : “J'ai hâte de danser avec mon public sur cette musique... En attendant, j'espère que les gens écouteront cet album et que non seulement, ils me suivront dans mon voyage personnel, mais aussi qu'ils vivront leur propre voyage et qu'ils danseront pour libérer leur propre douleur (...) C'était la chose la plus bizarre et la plus belle qui pouvait arriver, que cette musique m'ait vraiment guérie”.


WELCOME TO CHROMATICA !
Nous entrons alors dans le très cinématographique CHROMATICA. Un opus composé de 16 pistes (dans sa version classique, 19 dans la version deluxe) et qui, grâce à trois interludes aux violons dramatiques, découpe l’expérience en trois parties distinctes. 

CHROMATICA ONE 
L’album s’ouvre avec “Chromatica I”, lente et attractive introduction à une première partie que Lady Gaga décrit comme le début de son voyage vers la guérison. Débute alors “Alice”, chanson dance aux inspirations 90s qui annonce clairement la couleur. La chanteuse y fait une analogie entre son instabilité mentale, son besoin de trouver sa place dans un monde qui ne lui convient pas et le personnage d’Alice au Pays Des Merveilles. Hasard du placement dans la tracklist ou non, il deviendra après quelques écoutes notre favori, grâce notamment à l’entêtante catchphrase “My name isn’t Alice but i’ll keep looking, looking for Wonderland”. On parie d’ailleurs sur ce “futur” hit pour le prochain single ! C’est le très disco-pop “Stupid Love”, qui prend la suite et creuse les plaisirs risqués qu’il faut prendre lorsqu’on tombe amoureux. Décevant à la première écoute en février dernier (en tant que premier single), le titre s'intègre finalement beaucoup mieux dans une écoute globale de CHROMATICA. 

Puis, comme le disent justement nos confrères de Pitchfork, “Rain On Me” arrive presque trop tôt dans la tracklist tellement c’est bon. Partagé avec Ariana Grande, ce duo résolument pop donne la liberté aux deux artistes de célébrer les larmes de leurs traumatismes, sans les empêcher de couler. Un bop évident - vu qu’il trotte dans notre tête et dans les charts mondiaux depuis sa sortie - qui prend toute sa puissance lorsque les deux voix s’unissent sur le bridge et le refrain final. Le chapitre se termine sur deux morceaux suivants : “Free Woman”, véritable hymne à la féminité et à la reprise du pouvoir sur son corps après une agression sexuelle et “Fun Tonight”, triste conversation entre Lady Gaga (la star) et Stefani Germanotta (la femme derrière Gaga) sur les difficultés de la célébrité. Les deux chansons, malgré des textes profonds et très personnels, peinent plus à nous convaincre, dommage.

CHROMATICA TWO 
La montée en puissance du sombre “Chromatica II” opère une transition d’une perfection folle avec le robotique “911”. Twitter s’emballe d’ailleurs à ce sujet depuis sa sortie. Le morceau au beat lourd et mécanique évoque sans honte la consommation d’antipsychotiques de la chanteuse et ce titre dark semble tout droit sorti de son iconique BORN THIS WAY (son deuxième album), ce qui n’est vraiment pas pour nous déplaire. C’est évidemment l’objectification qui est traitée dans “Plastic Doll”, Gaga se comparant elle-même à une Barbie. Ce son eurodance qui aurait, pour sa part, pu se retrouver sur THE FAME (son premier album) se veut lumineux et catchy à souhait, notamment sur les refrains ou la chanteuse montre l’étendu de sa voix de tête. Et puis arrive “Sour Candy”, deuxième collaboration du projet - avec Blackpink, le groupe de K-pop au succès phénoménal. La chanson, alternant anglais et coréen, est un hymne aux défauts, les chanteuses demandant aux hommes de leur vie de ne pas les changer. 

Même si le morceau est très sympathique, le sample de “What They Say” de Maya Jane Coles, déjà bien usité par ses comparses Katy Perry (sur “Swish Swish”) et Zara Larsson (sur “Girls Like” avec Tinie Tempah), lui donne un air de déjà vu. Dommage. Centré sur la passion pour le mystère qu’elle cultive depuis ses débuts, “Enigma” semble également plutôt familier. Hommage 80-90s évident, il s’appuie sur les trompettes répétitives et le synthé pour en faire, malgré tout, un titre plutôt groovy. C’est le très house et surtout très efficace “Replay” qui clôture cette seconde partie. Il revient notamment sur les cicatrices passées de la chanteuse (viol, bullying…) qui ne veulent jamais la quitter : “The scars on my mind are on replay”. Nous, on appuie clairement sur replay !

CHROMATICA THREE

Le mystique “Chromatica III” sonne comme une découverte d’un nouveau monde et ouvre la voie de cette dernière partie, beaucoup plus libératrice pour la chanteuse. Suit alors “Sine From Above”, troisième et dernière collaboration, avec Elton John. Sur le plan amical, un duo semblait évident tant les deux icônes ont créé des liens forts depuis 10 ans - Lady Gaga étant notamment la marraine des enfants du chanteur. Mais musicalement : êtes-vous prêts ? Le titre avait d’abord été travaillé, en 2013, par Axwell et Ingrosso (les deux producteurs du groupe Swedish House Mafia) en collaboration avec Elton John lui-même, c’est finalement grâce à Gaga que le titre sort des vieux dossiers. Eurodance à souhait, le binôme traite du pouvoir de la foi et du pouvoir que peut donner la musique, il ose se terminer dans un drop de drum’n’bass improbable et iconique à la fois : nous ne le savions pas, mais nous en avions besoin ! 

L’artiste entonne “1000 doves”, une déclaration évidente à ses fans - Les Littles Monsters - dans un des titres dance des plus lumineux. La version piano, disponible dans l’édition Deluxe, s’écoute avec beaucoup plus d’intérêt - la voix de Gaga pouvant nous bercer avec l’émotion qu’on lui connaît. Et puis… vient finalement “Babylon” qui clôture CHROMATICA. Le titre, fortement inspiré du célèbre “Vogue” de Madonna, évoque les gossips avec humour. Une référence peut-être un peu trop évidente et presque risqué pour celle qui s’est toujours faite jugée / comparée à la Madone, qui achève l’écoute de CHROMATICA avec malgré le sourire aux lèvres et l’envie de danser.



ALORS, MONSIEUR ROBS ?

Depuis 2012 et la sortie de BORN THIS WAY, aucun album de Lady Gaga (en dehors peut-être des quelques tubes country du film A star is born) n’avait provoqué chez moi un tel engouement. Comme beaucoup, l’écoute de “Stupid Love” m’avait refroidi, l’écoute de “Rain on Me” m’avait réjoui, j’étais donc préparé à un retour en demi-teinte. Et finalement, cet album, que je n’imagine pas écouter autrement que dans son ensemble, comme une vraie expérience, est une régal pop. Car oui, si on peut donner une chose à Gaga, c’est sa capacité à embarquer ses auditeurs dans une expérience à part entière : You did it, girl ! 

Gaga livre ici son projet le plus personnel (bien plus que son très baladeux “Joanne”) et s’appuie sur la dance, la house et la pop pour se libérer de ses vieux démons - un moyen idéal pour faire également danser la planète. Ce choix artistique, avec un objectif évident de renouer avec le succès, se veut plus intense que prévu. Les collaborations, mainstream mais variées, finissent par trouver un sens évident dans cet univers si unique qu’est CHROMATICA

CHROMATICA est un parfait sixième album qui célèbre plus de 10 ans de carrière de Lady Gaga et représente l’essence même de la pop culture : liberté, créativité, excentricité. 

Découvrez “CHROMATICA” 

LADY GAGA sur CASSE BON BON

Sources : PITCHFORK - TIME - VARIETY

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