[BANG BANG] Petit à petit, l'oiseau fait son nid

« L'oeuvre dans l'art contemporain ne réside plus dans l'objet mais dans l'expérience que l'objet va provoquer » (Nathalie Heinich, sociologue spécialiste de l’art). ART UP ! La Foire d’art contemporain se tenait au Grand Palais de Lille du 12 au 15 février 2015, une 8ème édition riche en découvertes, notamment les travaux des étudiants en Arts Plastiques de l’Université Lille III au Stand A21. L’occasion de revenir sur l’une de ces oeuvres, « Souvenirs » de Mélissa Do. 

Souvenirs de Mélissa Do (Art Up 2015)



Danger, calme et volupté 
La foire d’art contemporain, dirigée par Didier Vesse, ouvre ses portes, les acheteurs potentiels partent à la recherche de leurs futures trouvailles à travers les stands. Le stand A21, destiné aux étudiants en Art de Lille III, fait environ 9m2 pour 8 étudiants dont Mélissa Do, jeune étudiante de master 2. 
Au centre, « Souvenirs » trône sur une planche blanche aux côtés des travaux du stand, une mise en scène épurée où le fil conducteur entre les oeuvres reste flou. Du verre brisé reconstitué en demi-cercles (de la taille d’une paume de main) se succèdent les uns derrières les autres formant un chemin sur des branches d’arbre sombres. La nature n’est ni reproduite, ni idéalisée mais retranscrite à l’état « brut », ces branches n’ont aucune feuille, comme ci elles symbolisaient la fin de vie en opposition au demi-cercles de verres représentant des nids, lieu où l’oisillon a ses premières respirations : le cycle de la vie ?
Une reproduction du nid en verre brisé, une manière de symboliser  l’ambivalence de ce lieu : son aspect réconfortant mais aussi « dangereux », car en hauteur, explique l’artiste. Composé à partir de verres retrouvés dans son grenier, Melissa Do se rend compte de l’accumulation de choses dans son appartement, ce comportement naissant d’un besoin de se protéger inconsciemment ? Elle se questionne et questionne son environnement dans cette oeuvre, amenant le spectateur à en faire de même avec son espace. Le verre coupe, les branches peuvent griffer : l’environnement y est hasardeux à l’instar de l’oeuvre. Mais, là est toute la liberté et la force de l’art contemporain, dans cette infinie possibilité de représenter ses émotions et ses interrogations au delà de l’objet. « Souvenirs » porte une émotion particulière, elle invite le spectateur à se poser les bonnes questions, elle pousse à la réflexion sur soi-même.


Une mise en scène risquée
Une oeuvre directement apparentée à la nature, difficile de l’imaginer sur la cheminée de son salon ni savoir si sa place est la bonne dans une foire d’art contemporain, ou du mons sous cette forme. Il aurait été intéressant d’y lier l’art de la photographie afin de donner un résultat moins brut et plus accessible pour le spectateur et/ou l’acheteur. Lors de la présentation des étudiants exposant à la Foire Art Up, Souvenirs est proposé comme une photo des nids en verres brisés entreposés sur de l’herbe, ici le chemin n’a ni commencement, ni fin. Le spectateur perçoit davantage les techniques de composition des morceaux de verre, le travail paraît long et compliqué à la manipulation du verre. La lumière du jour est plus clémente avec l’oeuvre que celle du stand, artificielle. La nature comme théâtre de l’oeuvre offre une redécouverte de ces nids de verres, leur puissance esthétique semble étouffer lorsqu’ils sont exposés à la Foire.
La mise en scène de l’oeuvre à la Foire est sommaire : une planche blanche au sol portant les branches qui elles, soutiennent les nids de verres, il aurait été plus simple pour le spectateur si l’artiste l’avait exposé en hauteur tout en gardant cette notion de « chemin » proche de la nature. Difficile de faire entrer la nature dans un environnement comme le Grand Palais, 
« Art Up » propose à la vente l’un des verres brisés en format unique, loin du chemin présenté lors de la Foire, amputant une partie de son poids interrogatif et symbolique. 

Le chemin, métaphore du souvenir 
 La présence de plusieurs nids disposés de telle manière à rappeler un chemin tracé directement à l’attention de celui ou celle qui le regarde, rappelant le conte du Petit Poucet de Charles Perrault. Quelle est la fonction de ce chemin ? « Guider ou retenir? » s’interroge Mélissa lors de la présentation de « Souvenirs ». Le lien entre ce chemin et le titre de l’oeuvre semble se faire, les souvenirs peuvent retenir comme guider quelqu’un dans ses choix de vie, le poids du passé. 
Les bouts de verre utilisés représentent une forme de recyclage, issus des objets personnels de l’artiste, un nouvel aspect de son intimité est mis en scène. 

Comme le souligne, Nathalie Heinich l’art contemporain « réside » dans « l’expérience » que «l’objet va provoquer », Souvenirs  représente cette idée-là, le spectateur s’attarde davantage sur les questions soulevées par l’oeuvre que l’oeuvre en elle-même

A.Cusack

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